23 mars 2007
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Et sur quoi sont fondées ces collections?
Moi, par exemple, je suis collectionneuse non seulement d'enquiquinements, mais aussi de recettes et de livres de cuisine. J'en ai tant, que je ne saurais vous dire combien et que je ne vais pas me mettre à les compter tous. Ou alors, il faudrait que je laisse tomber mon blog pendant plusieurs jours...
Ca a commencé très jeune. Comme pour la majorité des collections, un vide à combler, sans doute : ma mère n'a jamais aimé faire la cuisine et se bornait aux basiques rapides, alors que j'entendais mes potes parler de plats mitonnés préférés, de gâteaux-maison et de confiture de grand-mère...
Une envie de famille nombreuse aussi, de devenir une "mama",
une vraie : solide silhouette échevelée, enveloppée dans un tablier à fleurs ou à carreaux. Comme cette grand-mère qui était la mienne,
mais que je n'ai pas vraiment connue. Une envie de devenir la sorcière bien-aimée d'une horde de joyeux bambins. Je me voyais déjà gesticulant sur le seuil de cette grande cuisine imaginaire, à la table immense et aux fenêtres ouvertes sur un jardin riche et sauvage.
Du thym frais et des figuiers, un fouilli de persil, de sauge, de pâquerettes, de myosotis, de tournesols et de "mauvaises" herbes.
Une balançoire, un vieux banc et des vélos, "Qu'il va vraiment falloir penser à ranger, les gosses, parceque tonton Max a trébuché dessus la dernière fois qu'il est sorti dans le noir !"
Un âne chevelu aussi, une biquette, des chats et des chiens
à la pelle... Un cochon qui ne passera jamais à la casserole
et qui le sait.
Une porte grande ouverte pour des ribambelles de sincères vieux copains, regroupés, rigolards au coin du feu, ennivrés par l'odeur de la marmite et le goût de l'eau de vie faite maison.
J'avais donc une tonne de trucs à apprendre...
Enmitoufflée dans le silence, ennivrée des odeurs de poussière de bibliothèque, je rêvais d'authenticité rustique, engloutissant des piles de vieux classiques littéraires (je me suis même éprise du Cid!), les ouvrages traitants de psychologie, et aussi les contes pour enfants de tout pays et de tout poil. J'étais, comme qui dirait, une enfant et une ado à la lecture et à la destinée sérieuses... Ou on aurait pu l'imaginer.
Oui mais voilà... Je me défoulais aussi sur les stades, les gymnases et dans les vagues.
J'aimais les délires des Pogues, les saveurs d'embruns d'America, les élans de Björk, de Tom Waits, de Vian, de Sartre et de Prévert...
Je haïssais les romans d'amour et me laissais plus facilement aller à un bon bouquin de science fiction.
Et puis, je me serais damnée pour aller danser avec mes copines toutes les semaines... Quand il n'y avait pas les Fêtes de Bayonne
(Mais ça, c'est encore une autre histoire !... :-D)
J'aimais l'odeur de la résine et de la wax, et j'adorai les récits de mes copains, venus de si loin.
Pour les chiens et les chats, passe encore, mais pour le reste...
Déjà difficile de gérer cette incompatibilité de silhouette mamaesque dans sa tenue de combat et l'idée qu'on se faisait de ma personne. Et ces indulgents "videurs", qui me laissaient rentrer gratos, le samedi soir? Ces deux gentils gars, qui gratifiaient d'un large sourire et d'un clin d'oeil entendu? Comment auraient-il pris la chose? Et pensez un peu à mes copines... Ces joyeuses luronnes au regard vif, au rire clair et à la verve impitoyable. Je suis sûre qu'elles n'auraient pas aimé mes tabliers. Pire, elles auraient eu honte de moi !
Et comment, grand-diable, dans de telles conditions, s'occuper convenablement des cinq premiers-nés et du pot-au-feu, qui cuit pendant des heures?
(Sans parler du fait qu'il me fallait trouver un co-équipier sur mesure : un délicat croisement entre le Cid, François Bernier, Prévert, Charles Ingalls et Mr. Bean... C'était pas gagné !)
Comble de malchance, mon "autre oeil" lorgnait avidement en direction de l'Australie... Et d'ailleurs... Mes choix de collection se tournaient obstinément vers des ouvrages de cuisine indienne, indonésienne, d'Europe du Nord ou d'Amérique latine...

(Et cette abominable envie de courir quand je croisais un macho, abonné au "Chasseur français"...)
Alors, il a bien fallu composer : je suis partie et j'ai pris un chien. Il n'a pratiquement jamais su ce qu'était "porter un collier" et mes lieux de voyages sont devenus notre jardin sauvage. Un jardin de taille modeste, car ma chienne n'avait pas sa place dans une cage de soute d'avion ou dans une prison de quarantaine :
Mon jardin n'a donc pu s'agrandir que sans elle...
Dans le jardin de mes rêves, sont venus s'ajouter un bananier, du gingembre et la cardamone
(J'ai bien peur que la biquette et l'âne n'aient du mal à tout digérer).
Je sais comment concocter un bourguignon, des escargots et
de la confiture. Et ma mère se demande toujours comment je
fais pour fabriquer un plat, alors qu'elle n'a rien vu d'utile
dans mon frigo.
Mais j'ai surtout appris que l'on découvre bien des richesses au sujet d'un peuple et de sa culture à travers sa cuisine.
Qu'un livre de cuisine est un voyage à travers l'espace,
les coutumes, les croyances et le temps.
Comme vous, tant bien que mal, j'ai continué à vivre mes contradictions : j'ai poursuivi ma collecte d'impressions, de savoir-faire et de saveurs. J'ai empilé des casseroles, des fait-touts, des trucs et des machins pour dénoyauter des cerises ou confectionner des rubans en concombre.
Et j'ai même acheté un tablier ! :-)
Aaaah! Le démon de la collection : géniteur de bien des plaisirs, précepteur de bien des connaissances.
Mais aussi père de difficultés de gestion d'espace.
Et d'un handicap de poids:
...à chaque déménagement...
Nos névroses sont décidemment bien lourdes à porter !
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Et vous ?
Collectionnez-vous des trucs ?
Et avez-vous cherché à savoir POURQUOI ?